Samstag, 20. August 2016

La place financière du Luxembourg (notes d'un exposé de 15 minutes mai 2016)

1. Le poids de la place financière dans l’économie luxembourgeoise (banques, assurance, titres)

Le secteur financier représente 25 % de part dans l’impôt total et 72% de part dans l’impôt sur le revenu des collectivités, qui est le principal impôt du capital.
On constate une tendance dégressive des recettes fiscales provenant des banques, mais progressive pour les impôts des assurances (réassurances) et des titres (taxe d’abonnement sur la négociabilité des titres).


En termes d’emploi, banques et assurances réunissent environ 43.500 salariés, sans les activités de soutien ou du moins certaines activités de soutien (secteur travaillant pour les banques : informatique, publicité, entretien) et sans le secteur adjacent de consultation, qui dans les statistiques officielles est juridique et non bancaire (big four, études d’avocats à spécialisation financière, la fonction d’avocat restant une activité libérale et non salariée). Bien sûr que ce secteur n'existerait pas dans cette dimension sans l'important secteur bancaire.

La balance des paiements et la balance commerciale. La balance des marchandises est largement déficitaire ( – 6 milliards, donc 6 mia plus d’importations que d’exportations). S’y ajoute le négoce international, et les services non financiers exportés pour former la balance commerciale nettement déficitaire. La balance des paiements montre un crédit de plus de 12 milliards provenant des services financiers et est donc largement excédentaire. La balance commerciale luxembourgeoise était nettement bénéficiaire jusque dans les années 1970 cet excédent étant dû aux exportations d'acier.

2. La stratégie des différents gouvernements 

Quelques aspects de la stratégie gouvernementale est commune aux gouvernements successifs des dernières décennies. a) La rapidité dans l’application de nouvelles directives UE et la rapidité de réactions aux pressions internationales en partie par la participation des big 4, qui rédigent les lois et règlements. b) L'utilisation de la souveraineté nationale comme écran protecteur de la place financière. c) La détection de niches permettant de démarrer des activités que d'autres pays mettent plus longtemps à mettre en oeuvre.  d) Le faible contrôle étatique, la CSSF (contrôle des société financières) étant davantage  une composante de la place qu’un censeur. e) Une 5e composante de cette stratégie « bloquer le plus longtemps possible » persiste dans une certaine mesure à l'exemple de la taxe « Tobbin » refusée par le gouvernement bleu-rose-vert, mais est largement remplacé par la réactivité aux pressions internationales. L'actuel gouvernement a fait un tournant dans ce sens qu'il cherche à se démarquer de la mauvaise réputation de "paradis fiscal".

Exemple récent de la pérennité de la stratégie traditionnelle des niches et du dumping fiscal: la règlementation pour les riches et super-riches étrangers à intégrer comme résidents pour assurer leur gestion de fortune familiale.

Exemple contraire de l'inflexion de cette stratégie face aux pressions internationales: la réaction rapide pour faire disparaître le secret bancaire (des non-résidents uniquement) en réaction à la loi américaine (foreign account tax complience act - FATCA).
Dans ce contexte, il est intéressant de noter que la pression ne provient pas de l'UE libérale, mais de l'administration américaine. 

Le gouvernement mise sur la pérennité de la place financière et son adaptation constante à  de nouvelles opportunités et niches. Les efforts de diversification de l’économie sont timides et n’arrivent que difficilement à compenser la perte de substance industrielle. En exemple: Les pertes d'emploi dans la sidérurgie (voir la fermeture de l'usine Arcelor-Mittal-Esch-Schifflange, le plus ancien site sidérurgique du pays)  sont souvent plus importantes que la création d'emplois productifs nouveaux (comme dans la logistique, si pour autant on peut en parler comme secteur productif). A long terme il y a pourtant aussi des secteurs diversifiés qui ont largement réussi (satellites, aéronautique, même composantes automobile).

3. Les activités spécialisées de la place financière

-   La législation fiscale est favorable à l’assurance-vie qui est en fait une épargne, une gestion de fortune (pas d’imposition lors de l’expiration). 

-   Les OPC (organismes de placement collectif) sont des fonds surveillés donc soumis à certaines règles prudentielles. Cela concerne surtout les SICAV et en moindre mesure les Fonds de pension.

-   Les fonds alternatifs à risque (SICAR) ou spécialisés (FIS), FIAR sont non-supervisés en soi, seulement le gestionnaire est supervisé. Les fonds « private equity" ne sont pas supervisés du tout.

-   Family offices : Il s'agit de la gestion de patrimoine familial (personnes, trusts, fondations privées) qui ne sont pas imposés, sauf la taxe d’abonnement modérée, car juridiquement ce ne sont pas des collectivités (pas d'IRC - impôt sur le revenu des collectivités), ils ne sont pas considérés comme des fortunes (bien que l'étant de fait), et pas non plus comme activités commerciales (donc pas soumis à l'ICC (l’impôt commercial communal).

-   Sociétés de titrisation : tout peut être titrisé sans être soumis à l’impôt, les fonds de titrisation ne sont pas imposés. Une supervision par la CSSF ne se fait que si elles s’adressent au public.

-   Le profit shifting (évitement d’impôt) est instrument largement appliqué et illustré pas les tristement célèbres Luxleaks. Les rulings pratiqués par un seul homme au bureau 6 de l'administrations des impôts et de fait initiés par les "big four" en sont la caricature. Les rulings se pratiquent cependant dans 23 pays de l'UE sur 28. 

    Le FDI (investissement direct à l’étranger) atteint des sommes colossales dépassant les 100 milliards d’€ annuels. Ces montants ne font que passer par la place sans y étant réellement traités. Le Luxembourg est ainsi devenu statistiquement un des plus grands investisseurs mondiaux; en fait ce n’est qu’un transfert.

    4. La problématique des revendications de gauche concernant la place

L’économie réelle nationale n’a pas besoin de ce grand secteur financier (BCEE, Interbank, BGL-Paribas, Raiffaisen suffiraient). Tout ce que nous critiquons en matière bancaire et financière (la surproduction de capital spéculatif, l'évasion fiscale et de ce fait la dificince des comptes publics, le chantage du "too big to fail" etc) serait donc superflu pour l’économie nationale ? Mais ce grand secteur financier imbibe l’ensemble de la société : les finances de l’Etat, l’équilibre de la sécurité sociale (à long terme il peut aussi le sous-miner !) les emplois en amont et en aval qui se comptent par dizaines de milliers. Au Luxembourg, la société entière est infectée par la finance et nous n’avons pas de pénicilline dans notre trousse de secours.

Notre dilemme de la gauche anticapitaliste est celui que nous avons des revendications de principe justes: éliminer la bulle financière, nationalisation, séparation des banques de dépôt et des banques d’affaires, interdire les produits dérivés, interdire la spéculation, mettre fin au secret bancaire national, créer un pôle de financement public, intervenir sur la législation de régulation européenne etc…qui touchent au cœur du capitalisme. Mais dans la rapport de force actuel nous serons très peu suivis surtout que les solutions nationales dans notre mini-Etat ne sont pas facilement crédibles. Il est nécessaire de les faire percer dans des strates plus larges de la société et dans des secteurs plus larges du salariat. 

Ce ne serait pas une bonne idée de garder les revendications anticapitalistes comme catéchisme de principe et de décharger leur réalisation sur le plan européen. Qu’est ce qui a fait bouger les choses en matière de secret bancaire (des non-résidents) : une loi américaine, FATCA. Qu’est ce qui va davantage réguler l’imposition ? Une initiative de l’OCDE, qui n'est pas, comme tout le monde sait une organisation anticapitaliste – le BEPS, devant introduire une définition internationale de l’assiette à imposer. L’Europe est encore beaucoup plus néolibérale que les Etats-Unis.

Il faudrait donc relancer la discussion sur les revendications anticapitalistes que nous avions déjà avancés depuis longtemps et de voir aussi quels sont les positions des partenaires de discussion, comme les syndicats, la Chambre des salariés, les ONG (voir le texte de CADTM : que faire des banques ?) pour que la gauche anticapitaliste ne soit pas isolée et pour voir quelles pourraient être les revendications intermédiaires. Cette discussion ne peut pas être menée par un tour de magie.(25.5.2016)

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