Institutionnellement
la sortie du Royaume Uni de l’Union Européenne n’est ni une catastrophe ni une
aubaine. Lorsque le Royaume Uni avait rejoint la communauté européenne dans les
années 1970, à la demande du gouvernement conservateur de Heath, soutenu par M.
Thatcher, il avait ramené dans ses bagages l’orientation de la pensée unique
néolibérale, qui est devenue le crédo consensuel de l’UE. C’est un paradoxe: la
Grande Bretagne repart, le néolibéralisme continental reste. Du point de vue
socio-économique, l’UE est anglo-saxonne, avec ou sans brexit.
Un autre
paradoxe : la votation du 23 juin risque de faire éclater le Royaume-Uni
plus que l’Union Européenne. L’hystérie provoquée par les Johnson et Farage a
ravivé les tensions internes à tel point que la sécession de l’Ecosse, de
l’Irlande du Nord (vers la République d’Irlande) et même du petit Gibraltar
(réclamé par l’Espagne) sont subitement remises à l’ordre du jour. C’est un
désastre pour les Tories et ses chefs Cameron et Johnson qui avaient interverti
leurs positions il y a quelque temps : le premier ayant été plutôt
eurosceptique dans le passé et le second, fils d’un fonctionnaire de la bureaucratie
bruxelloise, aurait difficilement pu avoir ses positions actuelles de en tant que
maire de Londres.
Les très nombreux
électeurs britanniques, laissés-pour-compte du néolibéralisme, dont une grande
partie de la classe ouvrière appauvrie ou précarisée, ont perdu leur autonomie
de classe en suivant les Tories, porteurs du libéralisme le plus pur et les
racistes de l’UKIP. Certains commentateurs de gauche se trompent royalement en
interprétant le vote pro-brexit simplement comme une réaction anti pensée
unique libérale. Concernant les classes laborieuses, ce vote est une colossale
déviation de ses intérêts les plus élémentaires vers des voies irrationnelles
et réactionnaires.
Alors, un « exit
de gauche » est-il pensable ? Bien sûr que oui. Mais nous ne sommes
pas dans l’abstrait. Le brexit ne peut pas être réactionnaire et progressiste à
la fois. Concrètement, la gauche anticapitaliste doit se poser la question-
dans le cas de la Grande-Bretagne comme dans d’autres cas – comme l’a posée
récemment un certain Yannis Varoufakis, qui n’est pourtant pas mon maître à penser : Dans quelle
mesure peut-on mieux faire passer dans un Etat national, libéré des
institutions de l’UE, la répartition des richesses, les droits du travail,
l’antiracisme, l’internationalisme (il faudrait rajouter la transition
énergétique, les droits de l’homme et des femmes et bien d’autres objectifs
encore.) ? Ce n’est certainement pas le cas en Grande Bretagne en 2016. Les
trois familles politiques, qui ont gouverné le pays ces dernières décennies sont
pénétrées par l’idéologie libérale, même au (New) Labour, l’establishment
neo-Blairiste essaye de se débarrasser de Corbyn. Les travailleurs britanniques
n’entrent pas au paradis
Il y a cependant
un petit b-mol à opposer à ce raisonnement. Le faux-fuyant des
« régulateurs de Bruxelles » manquera aux politiciens pour excuser
chômage et inégalités croissantes. Désormais, ils seront tenus pour
responsables eux-mêmes.
Les craintes
généralement formulées avant la votation du 23 juin concernaient la contagion
nationaliste, chauvine, xénophobe sur le continent. Ce n’est certainement pas
anodin. Il y a de l’autre côté le redémarrage de la discussion sur « l’Europe
que nous voulons » telle qu’on l’a connue lors du débat sur la
constitution européenne. Subitement les gens qui nous gouvernement et notamment
la social-démocratie émettent des mea culpa et parlent même de refondation,
terme jusque-là employé par la gauche de la gauche. Il faut saisir l’occasion pour
s’engager sur une voie anticapitaliste et se méfier des chausse-trapes. « Mieux
vaut moins et mieux », une Europe débureaucratisée se concentrant sur
l’essentiel par exemple le marché des capitaux, la libre concurrence, l’union
bancaire, la sécurité des frontières extérieures et – pour faire passer la
pilule – une extension du programme Erasme aux lycéens. En bref, une vraie Europe libérale-anglo-saxonne. Paradoxal, mon cher
Watson ?
Le débat à la
gauche de la gauche ne souffre plus les attitudes purement défensives ni les
formules générales, comme la refondation de l’Europe. La confusion est
générale, on ne pourra pas continuer à jongler entre un fédéralisme de gauche
et une « vraie » Europe des peuples.
Dans » Goosch » 27.6.2016
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