Sonntag, 19. Mai 2019

Certaines choses d'Esch qu'il faudrait savoir


Trois friches

C’est désormais un scénario bien tracé : Esch doit passer de 35-36.000 habitants actuellement à 40.000 assez rapidement - rien que par la densification des quartiers déjà urbanisés. Les deux friches de Terre Rouge (lentille ou « roud Lëns » - l’ami Heng Clemes préfère « Brasseur » et crassier Terre Rouge) pourraient recevoir ensemble 10.000 nouveaux résident(e)s et la grande friche d’Arbed-Esch-Schifflange (provisoirement appelée « quartier Alzette ») 10.000 autres habitant(e)s. Tout compte fait, Esch pourrait compter 60.000 résidents d’ici 25 ou 30 ans. Ce sont des choses d’Esch qu’il faudrait savoir! Qu’on soit d’accord ou non avec la densification, la partielle privatisation de la planification urbaine, la planification résolument citadine voire en hauteur …le cours des choses est ainsi engagé. Ce sont des choses d’Esch qu’il faudrait connaître mais qui ne sont pas encore entré dans la conscience collective.


Lors de la présentation du projet de PAG (plan d’aménagement général) de la Ville, l’urbaniste présentatrice avait pourtant bien souligné le doublement de la population comme étant inéluctable. Est-ce que ces perspectives ont quelque chose d’effrayant ? Pour moi, non. C’est la façon dont les oligarques, les grands propriétaires rentiers se mêlent de l’avenir de notre cité qui m’effraye.

Il faudrait d’abord distinguer les différents modes juridiques qui président au développement des trois friches et ce en comparaison avec le développement de la terrasse des hauts fourneaux à Belval. A Belval, la société de développement urbain Agora était formée entre l’Etat luxembourgeois et Arcelor-Mittal. Arcelor donnait les terrains, l’Etat donnait le fric. C’était juste avant la terrible crise financière de 2008, quelle chance pour Esch qui devenait cité universitaire parce que dans capitale le marché foncier s’était tellement emballé qu’il aurait fallu une petite éternité rien pour rassembler les terrains nécessaires. Le « Fonds Belval » public s’occupait des constructions devant recevoir les bâtiments publics. Les municipalités d’Esch et de Sanem avaient aussi leur mots à dire : ils avaient le droit de nommer les rues et places.

Belval n’est pas devenu un vrai quartier eschois, Arcelor-Mittal ne permettant pas l’accès le plus favorable,  ce n’est même pas un vrai quartier d’Université. Il n’y pas une librairie et les troquets n’ont rien de bistrots pour étudiants. Il se disait à Esch qu’il ne faudrait surtout pas répéter l’expérience du développement de Belval. Ce à quoi il faudrait quand même aussi tenir compte du caractère particulier de la construction ex nihilo d’une université, des bâtiments de recherche, du sauvetage d’une partie du patrimoine industriel et du mariage université-hauts fourneaux qui n’est pas mal réussi.

Friche « Roud Lëns »

Il ne fallait pas reproduire l’exemple de Belval et donc Arcelor-Mittal à cédé la lentille Brasseur à l’investisseur foncier Lux. Le frère ennemi de Becca fait partie de ces investisseurs qui ont compris le sens pécuniaire de la pression démographique. Ils visent une marge de 35% à moyen terme ! Lux a donc présenté un « PAP roud Lëns » à l’administration communale. (PAP = plan d’aménagement particulier) Le conseil communal a approuvé ce PAP. Il s’agit un plan assez général d’occupation des sols distinguant la densité de construction, la hauteur, le caractère de ses différentes parties (en gros, moitié habitation, moitié caractère mixte habitations et services, bâtiments publics, une école…). Ce PAP est publié sur le site de la Ville. Il a été intégré au nouveau PAG. Deux bâtiments industriels en brique rouge et aux façades structurées sont protégés, ainsi que le long mur en briques qui longe la route d’Audun (N7) et le ludique poste d’aiguillage de l’ancien triage ferroviaire. Le PAG prévoit également des « couloirs de mobilité douce » ce qu’il faut applaudir.

L’ancienne majorité avait essayé de caboter la planification d’une partie minoritaire mais non-négligeable de logement locatif à coût abordable. Les socialistes et les verts n’aiment pas les locataires puisqu’ils n’en sont point.

Non, Monsieur Lux ne peut pas agir comme il veut. Il arrivera quand même à récupérer son retour sur investissement d’un tiers même avec des logements locatifs. Après l’adoption du PAP il y aura des modifications qui doivent encore passer le conseil et finalement il lui faudra des autorisations de construire.

Heng Clemens met en garde à juste titre contre le danger d’un quartier cloisonné, sans liaison avec son environnement urbain et industriel. C’est vrai que la planification à part de la lentille et du crassier pose problème. Après tout, il s’agit des terrains d’une même usine. La longue façade imposante des bouches de chargement du minerai est certes une image qui s’est incrusté dans la mémoire collective des habitants de la Hiehl mais elle risque aussi de figurer comme mur de cloisonnement entre l’ancien et le nouveau quartier. Il n’est pas arrêté que la lentille sera une enclave pour propriétaires huppés. Cela dépend entre autres de l’attitude de la majorité communale et des nouvelles ministres du logement et de l’intérieur qui ont leur mot à dire.

Friche crassier Terre Rouge


La friche du crassier Terre Rouge est trois fois plus grande que la lentille et classée encore comme terrain industriel dans le PAG. Le terrain appartient à Arcelor-Mittal mais est exploité par l’entreprise Cloos qui concasse les scories en différentes sortes de matériaux. Une nouvelle fois la question du droit « divin » de propriété se pose. A mes yeux, il n’est nullement défendable qu’une société sidérurgique qui avait utilisé une surface d’une trentaine d’hectares pour y déposer pendant cent ans ses déchets reste propriétaire du foncier immédiatement contigu au quartier de centre-ville qu’est le Brill. Il ne faut jamais cesser de réclamer la propriété publique de ces terrains et le droit de planification urbaine entièrement communal. Notons encore que le crassier est traversé dans ses entrailles par deux cours d’eau. L’Alzette et la Beler.

Mais un autre facteur non moins important concerne le site de la friche crassier Terre Rouge : le site se trouve à cheval sur deux pays et 3 communes : Esch, Audun et Russange ! Oui, l’usine de Terre Rouge était bien binationale. A part la partie sud du crassier, les bassins de refroidissement se trouvent aussi en France. Il est inimaginable qu’une future urbanisation se fasse séparément. Il existe un outil formaté par l’Union Européenne pour aborder ce genre de situations, le GECT. Le Groupement Européen de Coopération Transfrontalière Alzette-Belval existe bel et bien. Il est formé par les communes françaises (8) et luxembourgeoises (4) de la petite région et de l’Etat luxembourgeois mais il mène une existence bien terne. Est-ce l’instrument idéal pour s’occuper de l’urbanisation du crassier Terre Rouge ? Les doutes sont permis. Nous y reviendrons.

Friche Arbed Esch-Schifflange

Les Danois ont gagné ! Il s’agit du bureau d’urbanisme KOBE (comme Kobenhavn) qui vient de remporter le concours de l’urbanisation du site d’Arbed Esch-Schifflange. C’est récent mais il serait temps maintenant que l’administration communale communique sur le sujet. Il est bien évident qu’il y a une lutte d’influence avec les propriétaires du terrain d’environ 60 hectares. On ne la gagnera pas en restant discret. J’ai participé à trois événements offerts au grand public, dont les présentations des 4 projets en lice. C’était fascinant et les quelque deux cents participants aux présentations étaient ravis et pas mal débordés par le foisonnement des idées présentées.

Pour cette 3e friche, les mêmes problèmes de droit à la propriété communale, le droit public à la planification urbaine démocratique, le droit au logement abordable, la participation populaire…se posent. Nous allons les ignorer pour un moment pour seulement dégager quelques caractéristiques du projet présenté mais pas encore publiées.

Le « Quartier Alzette » (nom provisoire donné au site) sera un quartier dense, sans circulation automobile, sans supermarché, largement voué à l’habitat. La RN4 ne changera pas de tracé. Il y aura une nouvelle gare CFL et le tram vers Luxembourg entrera sur le site prés du portail du boulevard Aloyse Meyer et le quittera près des étangs du côté de Schifflange. A propos étangs : les étangs du château seront préservés et seront reliés par une coulée verte vers les autres étangs côté Schifflange.
Il y a donc aussi certaines choses d’Esch qu’il faudrait savoir et qui sont loin d’être toutes négatives.

(Frank 19.05.2019)

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