Trois friches
C’est désormais un
scénario bien tracé : Esch doit passer de 35-36.000 habitants actuellement
à 40.000 assez rapidement - rien que par la densification des quartiers déjà
urbanisés. Les deux friches de Terre Rouge (lentille ou « roud Lëns »
- l’ami Heng Clemes préfère « Brasseur » et crassier Terre Rouge)
pourraient recevoir ensemble 10.000 nouveaux résident(e)s et la grande friche
d’Arbed-Esch-Schifflange (provisoirement appelée « quartier
Alzette ») 10.000 autres habitant(e)s. Tout compte fait, Esch pourrait
compter 60.000 résidents d’ici 25 ou 30 ans. Ce sont des choses d’Esch qu’il
faudrait savoir! Qu’on soit d’accord ou non avec la densification, la partielle
privatisation de la planification urbaine, la planification résolument citadine
voire en hauteur …le cours des choses est ainsi engagé. Ce sont des choses
d’Esch qu’il faudrait connaître mais qui ne sont pas encore entré dans la
conscience collective.
Lors de la
présentation du projet de PAG (plan d’aménagement général) de la Ville, l’urbaniste
présentatrice avait pourtant bien souligné le doublement de la population comme
étant inéluctable. Est-ce que ces perspectives ont quelque chose
d’effrayant ? Pour moi, non. C’est la façon dont les oligarques, les
grands propriétaires rentiers se mêlent de l’avenir de notre cité qui
m’effraye.
Il faudrait
d’abord distinguer les différents modes juridiques qui président au
développement des trois friches et ce en comparaison avec le développement de
la terrasse des hauts fourneaux à Belval. A Belval, la société de développement
urbain Agora était formée entre l’Etat luxembourgeois et Arcelor-Mittal.
Arcelor donnait les terrains, l’Etat donnait le fric. C’était juste avant la
terrible crise financière de 2008, quelle chance pour Esch qui devenait cité
universitaire parce que dans capitale le marché foncier s’était tellement
emballé qu’il aurait fallu une petite éternité rien pour rassembler les
terrains nécessaires. Le « Fonds Belval » public s’occupait des constructions
devant recevoir les bâtiments publics. Les municipalités d’Esch et de Sanem
avaient aussi leur mots à dire : ils avaient le droit de nommer les rues
et places.
Belval n’est pas
devenu un vrai quartier eschois, Arcelor-Mittal ne permettant pas l’accès le
plus favorable, ce n’est même pas un
vrai quartier d’Université. Il n’y pas une librairie et les troquets n’ont rien
de bistrots pour étudiants. Il se disait à Esch qu’il ne faudrait surtout pas
répéter l’expérience du développement de Belval. Ce à quoi il faudrait quand
même aussi tenir compte du caractère particulier de la construction ex nihilo
d’une université, des bâtiments de recherche, du sauvetage d’une partie du
patrimoine industriel et du mariage université-hauts fourneaux qui n’est pas mal
réussi.
Friche « Roud Lëns »
Il ne fallait pas
reproduire l’exemple de Belval et donc Arcelor-Mittal à cédé la lentille
Brasseur à l’investisseur foncier Lux. Le frère ennemi de Becca fait partie de
ces investisseurs qui ont compris le sens pécuniaire de la pression
démographique. Ils visent une marge de 35% à moyen terme ! Lux a donc
présenté un « PAP roud Lëns » à l’administration communale. (PAP =
plan d’aménagement particulier) Le conseil communal a approuvé ce PAP. Il
s’agit un plan assez général d’occupation des sols distinguant la densité de
construction, la hauteur, le caractère de ses différentes parties (en gros,
moitié habitation, moitié caractère mixte habitations et services, bâtiments
publics, une école…). Ce PAP est publié sur le site de la Ville. Il a été
intégré au nouveau PAG. Deux bâtiments industriels en brique rouge et aux
façades structurées sont protégés, ainsi que le long mur en briques qui longe
la route d’Audun (N7) et le ludique poste d’aiguillage de l’ancien triage
ferroviaire. Le PAG prévoit également des « couloirs de mobilité
douce » ce qu’il faut applaudir.
L’ancienne
majorité avait essayé de caboter la planification d’une partie minoritaire mais
non-négligeable de logement locatif à coût abordable. Les socialistes et les verts
n’aiment pas les locataires puisqu’ils n’en sont point.
Non, Monsieur Lux
ne peut pas agir comme il veut. Il arrivera quand même à récupérer son retour
sur investissement d’un tiers même avec des logements locatifs. Après
l’adoption du PAP il y aura des modifications qui doivent encore passer le
conseil et finalement il lui faudra des autorisations de construire.
Heng Clemens met
en garde à juste titre contre le danger d’un quartier cloisonné, sans liaison
avec son environnement urbain et industriel. C’est vrai que la planification à
part de la lentille et du crassier pose problème. Après tout, il s’agit des
terrains d’une même usine. La longue façade imposante des bouches de chargement
du minerai est certes une image qui s’est incrusté dans la mémoire collective
des habitants de la Hiehl mais elle risque aussi de figurer comme mur de
cloisonnement entre l’ancien et le nouveau quartier. Il n’est pas arrêté que la
lentille sera une enclave pour propriétaires huppés. Cela dépend entre autres
de l’attitude de la majorité communale et des nouvelles ministres du logement
et de l’intérieur qui ont leur mot à dire.
Friche crassier Terre Rouge
La friche du
crassier Terre Rouge est trois fois plus grande que la lentille et classée
encore comme terrain industriel dans le PAG. Le terrain appartient à
Arcelor-Mittal mais est exploité par l’entreprise Cloos qui concasse les
scories en différentes sortes de matériaux. Une nouvelle fois la question du
droit « divin » de propriété se pose. A mes yeux, il n’est nullement
défendable qu’une société sidérurgique qui avait utilisé une surface d’une
trentaine d’hectares pour y déposer pendant cent ans ses déchets reste
propriétaire du foncier immédiatement contigu au quartier de centre-ville
qu’est le Brill. Il ne faut jamais cesser de réclamer la propriété publique de
ces terrains et le droit de planification urbaine entièrement communal. Notons
encore que le crassier est traversé dans ses entrailles par deux cours d’eau.
L’Alzette et la Beler.
Mais un autre
facteur non moins important concerne le site de la friche crassier Terre
Rouge : le site se trouve à cheval sur deux pays et 3 communes :
Esch, Audun et Russange ! Oui, l’usine de Terre Rouge était bien binationale.
A part la partie sud du crassier, les bassins de refroidissement se trouvent
aussi en France. Il est inimaginable qu’une future urbanisation se fasse
séparément. Il existe un outil formaté par l’Union Européenne pour aborder ce
genre de situations, le GECT. Le Groupement Européen de Coopération
Transfrontalière Alzette-Belval existe bel et bien. Il est formé par les
communes françaises (8) et luxembourgeoises (4) de la petite région et de
l’Etat luxembourgeois mais il mène une existence bien terne. Est-ce
l’instrument idéal pour s’occuper de l’urbanisation du crassier Terre
Rouge ? Les doutes sont permis. Nous y reviendrons.
Friche Arbed Esch-Schifflange
Les Danois ont
gagné ! Il s’agit du bureau d’urbanisme KOBE (comme Kobenhavn) qui vient
de remporter le concours de l’urbanisation du site d’Arbed Esch-Schifflange.
C’est récent mais il serait temps maintenant que l’administration communale
communique sur le sujet. Il est bien évident qu’il y a une lutte d’influence
avec les propriétaires du terrain d’environ 60 hectares. On ne la gagnera pas
en restant discret. J’ai participé à trois événements offerts au grand public,
dont les présentations des 4 projets en lice. C’était fascinant et les quelque
deux cents participants aux présentations étaient ravis et pas mal débordés par
le foisonnement des idées présentées.
Pour cette 3e
friche, les mêmes problèmes de droit à la propriété communale, le droit public
à la planification urbaine démocratique, le droit au logement abordable, la
participation populaire…se posent. Nous allons les ignorer pour un moment pour
seulement dégager quelques caractéristiques du projet présenté mais pas encore
publiées.
Le « Quartier
Alzette » (nom provisoire donné au site) sera un quartier dense, sans
circulation automobile, sans supermarché, largement voué à l’habitat. La RN4 ne
changera pas de tracé. Il y aura une nouvelle gare CFL et le tram vers
Luxembourg entrera sur le site prés du portail du boulevard Aloyse Meyer et le
quittera près des étangs du côté de Schifflange. A propos étangs : les
étangs du château seront préservés et seront reliés par une coulée verte vers
les autres étangs côté Schifflange.
Il
y a donc aussi certaines choses d’Esch qu’il faudrait savoir et qui sont loin
d’être toutes négatives.
(Frank 19.05.2019)
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