Au moment de la
publication de l’enquête PISA de l’OCDE qui fait le suivi des acquis pays par
pays d’un échantillon représentatif des élèves de 15 ans dans les trois
domaines de la compréhension de l’écrit, des mathématiques et des sciences, il
apparaît que le Luxembourg se place à la trentième place des pays les plus
développés. L’enquête est triennale, mais le Luxembourg ne participe que tous
les 6 ans. De mauvaises langues disent que, selon les cas, cela permet à un
gouvernement d’éviter la publication pendant sa législature de 5 ans. Mais il
ne faut pas croire les mauvaises langues.
En fait, les résultats
de l’enquête PISA pour le Luxembourg vont de mal en pis : 30e
place de 37 en compréhension de l’écrit, 27e en mathématiques et en
sciences. On trouve des excuses : cela est dû au poids et à la
multiplicité exceptionnels des langues dans notre système scolaire. Et après
tout, les élèves du Luxembourg profitent de la multiplicité des langues,
aubaine que les élèves des autres pays
n’ont pas. C’est vrai. Mais alors, comment se fait-il que les résultats successifs
comparés des enquêtes du seul Luxembourg (la comparaison pro domo à l’exclusion
des autres pays) empirent ? Mais alors, pourquoi les résultats
presqu’aussi mauvais en maths et en sciences pour lesquels la question
linguistique joue à peine? La lecture critique du chapitre II révèle un autre
bilan inquiétant, celui du manque d’équité dans l’éducation scolaire.
Le système éducationnel luxembourgeois est le plus
inégalitaire de l’OCDE !
Les analystes de
l’OCDE partagent la population et le suivi des élèves de 15 ans en quatre quartiles,
donc 4x25%. Ils comparent les acquis du quartile inférieur à celui du quartile
supérieur. Plus cet écart est grand, plus le système est inégal. Voici ce
qu’écrit « le Monde » du 4.12.2019 à ce sujet sous la plume de
Violaine Morin : « L’écart y est de 107 points entre les élèves les
plus favorisés (550 points) et les plus défavorisés (443 points), un score
largement au-dessus de la moyenne de l’OCDE (89 points). Cette
contre-performance place l’Hexagone (la France, fj) dans le palmarès des pays
les plus inégalitaires, à un rang comparable à ceux de l’Allemagne et de la
Belgique. » Et encore : « Les pays de l’OCDE connaissant une différence
encore plus marquée sont peu nombreux – on y trouve Israël et le
Luxembourg. » Les écarts dont on parle concernent la compréhension de
l’écrit.
Voyons les
résultats précis du Luxembourg dans ce domaine. Quartile supérieur : 537
(moyenne OCDE :533), quartile inférieur : 415 (OCDE -445), différence
des deux quartiles : 121,5 (OCDE : 88,4). De la part du ministère de
l’éducation nationale on a fait entendre que les performances du quartile
supérieur étaient quand même meilleures. Le Luxembourg s’y place 25e
de 37 (au lieu de 30e en général) et toujours en-dessous de la
moyenne de l’OCDE. Le quartile inférieur est inférieur de 30 points de la
moyenne de l’OCDE. Analytiquement, le chiffre de la différence entre les
quartiles 1 et 4 sont les plus révélateurs et devraient faire alerter.
L’échec de la politique scolaire néolibérale du Luxembourg
Le Grand-Duché AAA
en économie et finance est nul en éducation nationale. Le bilan du ministère Meisch
et de celui qui l’avait précédé est tout simplement désastreux. Il n’y aura pas
d’autocritique. L’approche de Meisch est avant tout idéologique :
abaissement des objectifs, autonomie et mise en concurrence des différents
établissements, creusement
des inégalités,
discours moderniste, déni des contre-performances, absence totale
d’autocritique. Il faut craindre que les résultats de cette étude PISA 2019
seront bientôt oubliés et qu’on pourra souffler jusqu’en 2026, car les
résultats sont publiés un an après le relevé des tests.
Plus largement,
les résultats PISA 2019 risquent d’être couverts par un étrange mutisme, tout
au plus par hochement de tête hautain et éventuellement par patriotisme blessé.
« Trop compliqué, que des chiffres. C’est l’œuvre de bureaucrates qui
n’ont jamais visité une école. Ils ne comprennent pas les spécificités
luxembourgeoises. Et enfin, de quoi ils se mêlent… »
L’auteur de ces
quelques lignes n’est pas du tout un spécialiste des questions d’enseignement.
Je n’ai d’ailleurs pu consulter que les résumés des trois chapitres tels qu’ils
sont proposés sur le site de l’ OCDE. Concernant « les spécialistes » :
ne faudrait-il pas les détrôner un peu et les remplacer par un débat
sociétal ? L’école, en fin de compte, concerne tout le monde.
Frank Jost
7.12.2019
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