Sonntag, 8. März 2020

Sur les répercussions économiques, sociales et géostratégiques de la crise du coronavirus

Le question est clairement posée : est-ce que la crise du coronavirus va conduire sous peu à une récession économique mondiale ? D’autres se questionneront plutôt : est-ce que nous sommes déjà en récession ? Jusqu’il y a peu de temps, d’influents économistes bourgeois comme Patrick Artus de Natixis affirmaient qu’une récession serait impossible aussi longtemps que l’argent est presque gratuit et que donc les entreprises qui se trouvent juste avant l’écroulement peuvent toujours se réapprovisionner en argent frais et ce à moindre coût.

Une récession atypique ?

Les récessions périodiques sont normales dans le capitalisme. Elles se produisent en moyenne tous les 8 ans, mais avec des écarts de temps possibles assez conséquents. Elles ne sont pas toutes globales mais souvent seulement nationales ou sectorielles (Argentine, Italie (presque), Japon, automobile allemand). La récession est une cure de décrassage de l’économie, les entreprises faibles sont écartées, il y a destruction massive de capitaux. La dernière récession européenne était en 2012. Aux Etats-Unis, il n’y a plus eu de récession depuis le grand krach de 2008, qui lui-même n’était pas une récession normale mais provoqué entre autre par une gestion catastrophique de la dette privée. La récession à venir ou déjà présente sera ou est difficilement définissable parce que partiellement provoquée par une influence étrangère au cycle économique et partiellement en sursis de ce même cycle.

Des signes précurseurs

Indépendamment du coronavirus il y a déjà eu des signes précurseurs comme le recul des investissements aux Etats-Unis. L’effet des cadeaux fiscaux de Trump aux entreprises s’est essoufflé. Presque tous les économistes avaient critiqué : <<On ne booste pas une économie en boom. >> Il s’agissait-là d’une politique politicienne de Trump pour éviter une récession avant les élections. Ses effets sont pervers. A l’autre bout du monde, la politique inverse des « abenomics » (une espèce de politique keynésienne au Japon en stagnation) a échoué. Le tournant économique de la politique chinoise vers la consommation intérieure a mis en péril les exportations industrielles massives vers le Chine compromettant notamment la politique exportatrice allemande. L’économie chinoise représente désormais 17 ou 18% du PIB mondial. Les effets de l’épidémie chinoise sur la conjoncture mondiale sont donc évidents.

Les effets pervers de la mondialisation

La fuite des capitaux et des emplois (délocalisations) en pays low-cost a conduit au démantèlement de larges secteurs de l’industrie européenne. Certes, cela a conduit à un rééquilibrage de la répartition internationale du travail. D’autres effets pervers sont patents :

L’interdépendance des chaînes de valeur peut conduire à une rupture des approvisionnements et donc à l’exportation de la crise d’un pays livreur vers les pays assembleurs. C’est à peine croyable : les principes actifs (Wirkstoffe) de produits pharmaceutiques basiques et de première nécessité comme la pénicilline et le paracétamol proviennent très majoritairement de Chine. Sans ces principes actifs, l’Europe ne peut plus produire l’antibiotique-phare contre la tuberculose et d’autres maladies infectieuses. Sir Alexander Fleming se retourne dans sa tombe.  D’autres composants industriels (batteries, photovoltaïque) ne sont plus en stock.

La «récession-coronavirus»

La perturbation du commerce mondial par la paralysie des moyens de transport, les arrêts de productions en Chine et le manque de pièces détachées qui s’ensuit, le tourisme ralenti, sont des facteurs suffisants pour déclencher une récession mondiale. Les bourses sont autant en recul sur une semaine qu’en 2008. Nous assistons à une destruction faramineuse de capital. L’argent bon marché des banques centrales milite certes contre la récession. Mais comment pourra-t-on encore baisser des intérêts déjà négatifs ? Les gouvernements européens et l’UE ont certes apporté certaines régulations aux banques, mais l’administration américaine est déjà sur le retour en dérégulant et d’ailleurs les secteurs financiers partiellement extra-bancaires, comme l’industrie des fonds n’est pas sous contrôle. Des « effets psychologiques » jouent dans les bourses. De premières faillites de sociétés importantes (compagnies d’aviation, compagnies commerciales dépendantes de produits d’Asie, industrie touristique) sont connues.…

Les effets contradictoires possibles d’une récession mondiale

Il y a d’abord les effets patents : la crise de la mondialisation avec ses effets économiques comme une mise en question des «délocalisations» abusives qu’on avait déjà vue s’amorcer il y a quelques temps. Ne faut-il pas oublier le dogme du refus des stocks, du « just in time » ? Il y aura probablement une tendance au  regroupement des chaînes de valeur.

Des effets géopolitiques négatifs par des réactions unilatéralistes dangereuses sont possibles (ligne Trump-Putin-Modi). Ou alors la mise en question du mode de production capitaliste (et de la destruction de la planète). La réélection quasi acquise de Trump due à la bonne situation économique et le peu de chômage peut être mis en question si les élections se déroulent dans un contexte de crise économique. Le démantèlement partiel de l’ Obamacare et les déclarations lénifiantes et mensongères sur la probabilité de l’épidémie et les moyens de la conjurer, peuvent se retourner contre le président.

Il ne faudrait pas sous-estimer les effets sociaux: problèmes d’approvisionnement (médicaments, savons,…), chômage et précarité, télétravail, évt. réductions de salaires, croissance des inégalités sociales en sus de celles accumulées depuis la fin des trente glorieuses. Peuvent s’ajouter des problèmes avec la garde des enfants en cas d’écoles fermées. Dans l’immédiat, on constate peu de réactions hystériques (comportement irrationnel contre les Chinois à Paris, réactions asociales dans les réseaux sociaux).

Il peut aussi y avoir des effets inspirants de l’actuelle « décroissance forcée » : « Mais dans quel monde vivons-nous ? Ils sont devenus dingues. » Ironiquement, certains effets de la crise militent pour un changement radical de pensée économique : mise en question de la surconsommation notamment en matière de voyages en avion. L’amélioration spectaculaire de la pollution dans les grandes métropoles chinoises peut induire le souhait d’une autre vie qui ne serait pas dictée par le course à la croissance et pourrait crédibiliser une certaine décroissance…

8 mars 2020

2 Kommentare:

  1. Fellicitation pour l'article. Pourquoi déi Lénk n'organise plus la "Goosch.lu"? Serge dit que nous n'avons pas de capacité et il nous faudrai un permanent en plus (ce que je ne crois pas, c'est plutôt pour limiter le débat et les expressions libres de membres. Mais pour revenir sur le fond de ton article; je crois que cette épidemie peut absolument déclancher une récession qui de toute manière était en train de venir. Le virus est le détonnateur et pas la raison principale. Une économie saine peut très bien sauter une épidemie mais un monde plein de contradictions peut vite perdre l'équilibre.

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    1. Je suis tout à fait d'accord. D'ailleurs, la bourse de New York vient d'être arrêté pour 15 minutes (vers 14.45 temps européen) pour éviter un crash et pour permettre aux brokers de sa raisonner. Les pertes tournaient autour de 7%. Voyons voir la suite. La récession génrale me semble inévitable.

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